La Bue

La Bue

COUTUME DU PASSE : LA BUE AU XIX° SIECLE

 Qui de vous mesdames, parcourant vos toutes premières brocantes ne s’est pas émerveillée à la vue du trousseau de nos grands mères et amoncellement de linge blanc proposé à votre envie ?

Draps de chanvre, serviettes et nappes de lin, linge de corps et mouchoirs de baptiste si minutieusement brodés et chiffrés, lavés le saviez-vous seulement deux fois l’an : le jour de la grande bue ou bouée.
Pour nos aïeux, la bue, c’était tout un cérémonial ordonnancé méticuleusement par la maîtresse de maison, la date, les hâles de mars et les chaudes journées de septembre, afin de profiter au mieux d’un temps sec.
Il faut tout d’abord trier le linge et le faire tremper, convoquer pour le lendemain les lavandières qui vont l’emporter décrasser au canal, l’eau y étant plus douce avec force de coups de brosse et pelle de bois.
Pendant ce temps, les hommes auront allumé la cheminée, tamisé les cendres de bois recueillies tout au long de l’année, préparé la grosse marmite emplie d’eau et à proximité procédé à la mise en place du cuvier.
Dressé à bonne hauteur sur un trépied, il s’agit  d’une cuve de bois blanc uniquement de plusieurs centaines de litres, munie d’une claie et perforée à sa base afin d’y recevoir une chèvre de bois permettant l’écoulement.
Le linge revenant du décrassage y est déposé par minces couches successives, entrecoupées de copeaux de savon, de cristaux de soude, de cendre de bois et même de saponaire, cette fameuse plante dont la propriété première est de faire mousser à l’égal du savon.
Le tout est arrosé d’eau bouillante laquelle après avoir lentement traversé l’ensemble est successivement récupérée , réchauffée et répandue à nouveau, liquide de plus en plus visqueux, le luchu, le jus de la buée diront nos anciens et ceci durant la journée entière.
La maîtresse de maison ayant jugé l’opération terminée, les lavandières reprennent en main tout ce beau linge et dare dare s’en vont le rincer copieusement à la fontaine du village avant de l’étendre sur l’herbe afin qu’il puisse y sécher librement.
Les jours suivants tout est méticuleusement vérifié, empilé, repassé, empesé puis précautionneusement empilé dans ces belles et profondes armoires de chêne ou de fruitier tant convoitées aujourd’hui, et la maîtresse de maison s’en retourne fière d’un si bel ouvrage.

Que d’eau passée depuis sous les ponts, avant d’en arriver à nos machines à laver si prisées aujourd’hui !

Henri